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  Klaus Schulze - The KS Story (in French) - Part 2  



Revenons à l'histoire de 1976 : La station de radio de Berlin préparait un concert avec la musique de deux compositeurs contemporains « sérieux » plus Klaus Schulze. La suite est une histoire totalement inventée, bien sûr.

Le responsable de la radio : Aïe, encore de la musique « sérieuse ». Merde ! Encore des places libres bien que ce soit gratuit. La culture ? Zut ! Qu'est-ce qu'on peut faire ? … (Une idée !) …Je sais ! Il y a ce Schulz, ou Schult, Klaus Schultze ou n'importe. Ma fille en est folle et ses concerts sont toujours complets. Ce type ne fait pas du simple rock ou de la pop (beuh !). Il est un peu sérieux. C'est ça ! Il nous amène l'audience. Mais et les deux autres compositeurs ? … Solution délicate, et ce qui va suivre est vraiment arrivé : il fut demandé à KS de jouer comme suit. Premièrement, comme entrée. Deuxièmement, entre deux pseudomodernistes néopathologiques, ou quels que soient leurs termes pour expliquer ça, et 3) pour le final, pour que le public reste jusqu'à la fin. C'est une très bonne description de la situation de Klaus Schulze : sa musique tombe entre deux chaises.

1978. Accompagné de Harald Grosskopf, Klaus retourna au studio Panne/Paulsen à Frankfort. Ils revinrent avec les bandes pour un double LP. Pas encore de titre pour l'album ni pour les morceaux. KS est très enthousiasme à son sujet, comme après chaque enregistrement. Comme bien souvent, l'idée pour les titres arriva plusieurs jours après. « Six biographies musicales » et les noms de cinq célébrités déjà disparues et d'une toujours parmi nous (à cette époque). Il y a un lien entre elles six; Klaus a lu leurs œuvres ou a beaucoup lu sur elles ou les a étudiées. Le titre de l'album était mon idée, parce que c'était le dixième album solo de Klaus, donc "X" (dix en chiffres romains). Je commençai à dessiner une couverture et en complément, je fis un livret avec des photos rares des 10 dernières années. Nous reproduisîmes également une petite partie des notations musicales que Klaus avait dû faire pour l'orchestre à cordes, pour le morceau Ludwig. L'orchestre avait vraiment besoin de ces notations, même si ce n'était essentiellement qu'une phrase musicale qu'ils devaient répéter et répéter et répéter et …comme une transe.

Un exemple peut montrer combien les sentiments peuvent être différents à l'écoute de la musique de Klaus. Pendant un concert à Fürth près de Nuremberg, la musique était si belle, si paisible, que je m'endormis dans les coulisses. Klaus le prit comme un compliment, et c'en était un. Il y a une intime vérité, une sincérité dans sa musique que l'on ne peut démontrer. Déjà chacun (ceux qui savent écouter) distingue immédiatement la sincérité même chez le plus petit artiste. Mon expérience m'a appris – à mon grand regret – que trop de gens sont juste capables de mettre un disque et mettre en route le lecteur, sans jamais être capables de comprendre l'entière beauté de la musique. Beaucoup de gens utilisent la musique comme fond sonore (d'où le succès de la musique « New Age » ?)

Le double album "X" fut dans le classement officiel des ventes en Allemagne pendant deux ou trois semaines à la 75ème place, mais malgré tout, pour cette musique non conventionnelle, c'était un petit événement.

Ce fut probablement à ce moment-là que les synthétiseurs et la musique électronique devinrent enfin couramment connus. Une petite revue professionnelle allemande publia alors les chiffres de vente et les revenus de certains groupes de rock allemand, incluant des chiffres exagérés concernant Klaus Schulze. Pendant la même période, chaque groupe de rock ou de pop commença a utiliser ses propres synthétiseurs, et les choses se passèrent, comme elles se passent à chaque fois, quand la majorité saute sur une nouvelle invention et l'achète… jusqu'à la prochaine mode. À propos, ces instruments étaient maintenant beaucoup moins chers que deux ou trois années plus tôt. Et ils étaient aussi facilement disponibles dans tous les magasins de musique.

Vers la fin de 1978, KS commençait vraiment à avoir du succès. Il gagna différents classements concernant la pop, eut énormément d'articles de presse, fut invité et vu un peu partout. Nous fûmes même tous les deux invités à la « Kanzlerfest » annuelle, la réception du chancelier de l'Allemagne fédérale, où nous rencontrâmes tous les noms connus du show-business allemand.

Kanzlerfest invitation

Pendant la tournée de septembre/octobre 1978, nous ne vîmes que d'immenses salles de concert ; entre 3 000 et 5 000 spectateurs n'était pas rare. Par rapport au genre de musique non grand public que Klaus créait, ce n'était pas seulement un succès, mais un miracle. Cela en encouragea d'autres à essayer de faire la même chose. À la fin des années 70, beaucoup d'amateurs commencèrent chez eux, avec des synthétiseurs bon marché et leur propre magnétophone, à faire de la musique électronique pendant les week-ends. Tous ces amateurs avaient oublié que ce qu'ils essayaient de trouver, avait déjà était trouvé et inventé par KS ou Tangerine Dream une décennie plus tôt. Mais comme passe-temps, c'était parfait. C'est comme le jazz Dixieland (jazz populaire).

Pour les concerts allemands durant cette longue tournée européenne de l'automne 1978, nous avions invité le violoncelliste Wolfgang Tiepold à se joindre à KS sur scène. C'est un musicien classique avec des traits de jazz et sans les habituelles humeurs changeantes de nombre d'artistes. Il avait déjà pris une grande part à l'enregistrement de "X", et dirigea l'orchestre pendant un concert de Schulze à Ostende en Belgique où Ludwig II fut joué. Wolfgang Tiepold nous invita pendant cette tournée dans sa maison près de Frankfort, et je n'oublierai jamais la musique de fond qu'il mit pendant le dîner : le célébrissime concerto en mi mineur pour violon de Mendelssohn; pour Wolfgang certainement une musique habituelle, mais cela me plongea profondément (de nouveau) dans la musique classique, ce qui dure encore à ce jour. La plupart de ce genre de musique (ancienne) a plus de puissance et d'émotion que n'importe quelle musique rock effrénée peut avoir aujourd'hui (c'est-à-dire les années soixante-dix, quatre-vingt et quatre-vingt-dix), sans parler du plus gros de la musique électronique. Les sons électroniques restent tout bonnement désagréables, froids, à moins d'y ajouter de l'émotion. Klaus Schulze avait découvert et compris cela très tôt. Plus précisément, il y a en premier les émotions de Klaus, ensuite il utilise l'électronique pour les exprimer.

Dans des lettres de fans du monde entier les gens demandent maintenant des conseils pour créer tel ou tel effet, quels sont les meilleurs instruments, du fabricant X ou Y ? Je doute qu'ils comprennent que ce n'est pas un instrument plutôt qu'un autre qui crée un « Klaus Schulze », mais l'homme lui-même. Néanmoins, nous faisons des recommandations, comment faire cela, éviter de toucher à ceci… Certains de ces fans et des « Schulze » de deuxième génération, font encore leurs disques aujourd'hui, sans beaucoup de succès. J'espère bien qu'ils arrivent au moins à être heureux. (Le tout premier de ces disciples devait s'appeler Adelbert Kraak, mais il changea son nom en A. van Deyen, et il copia non seulement la musique de Klaus, mais aussi les pochettes et même nos en-têtes, enveloppes (!) etc…) (Post-scriptum de 1997 : Van Deyen copia même trois minutes du morceau Dymagic de l'album …Live… de Schulze et les vendit comme siennes ! Dans l'intervalle il arrêta complètement de faire de la musique et se concentra sur la peinture – dans laquelle il n'était pas meilleur.)

Un petit incident me revient à l'esprit qui n'avait pas été mentionné auparavant. Lors d'une de nos tournées de concerts à la fin des années soixante-dix, nous fûmes invités à un dîner à Hambourg avec des gens de la presse. Une personne du journal Bild demanda à notre technicien, combien de volts notre système d'amplification avait. Notre roadie stupéfait réalisa que ce n'était pas un lapsus, mais une question très sérieuse, quand il répéta en souriant volts ?Oui, combien de volts ?. Je frémis en pensant au pouvoir qu'ont ces ignares de l'infâme journal Bild.

La première major qui reconnut l'existence et le potentiel de la « Musique Électronique » fut l'allemande WEA (Warner Brothers). Ils proposèrent à Klaus de produire pour eux – sous son propre label – de la musique de ce nouveau genre. KS engagea comme associé un certain Michael Haentjes, qui était un journaliste écrivant pour un magasine allemand destiné aux musiciens. Lui et KS esquissèrent les grandes lignes d'une telle maison de disques, qui fut nommée Innovative Communication, IC en abrégé, ce qui se prononce « I see » (je vois), ce qui était une expression familière chez Michael Schrieve (et des millions d'autres américains, quand ils pensent avoir compris quelque chose). KS livra des instruments depuis son studio, et le studio IC aussi bien que l'école de synthétiseur IC étaient nés. Peu après, le studio vidéo IC était monté, de sorte que des clips vidéo pouvaient être réalisés avec et pour les artistes d'IC. Ceci était assez novateur et sensationnel en 1979. KS fut probablement le premier, si ce n'est le seul en Allemagne, à non seulement avoir cette idée de clips vidéo mais encore à la réaliser ! La télévision n'étant alors pas encore prête pour les clips vidéo, c'est à peine si un de nos clips fut effectivement utilisé à la télévision. Quelques années plus tard, quand IC avait cessé ses activités vidéo, les clips vidéo furent très à la mode. La seule vidéo d'IC qui fut diffusée à la télévision allemande fut celle avec Ideal, et pour couronner le tout, la date de programmation tombait exactement le soir de notre grande fête pour la sortie de nos quatre premiers albums indépendants, dont ledit album Ideal. … Nous y reviendrons.

Pour toutes ses activités liées à IC, Klaus trouva une autre maison, pas loin de chez lui et de son studio. Michael Haentjes pouvait y vivre et y travailler, c'est là également qu'était installée l'école. Avec l'arrivée de la vidéo qui demandait beaucoup de place, ils trouvèrent dans le village voisin, à Winsen, une auberge qui avait une immense salle des fêtes et des chambres d'hôtel vacantes, ce qui était parfait pour des studios et des bureaux. Nous refîmes la décoration et reconvertîmes le tout, et peu après nous eûmes assez de place pour la vidéo et pour un second studio audio, pour des bureaux, pour des salles de repos pour les artistes, et pour deux pièces privées pour moi. Tout était payé par les énormes sommes d'argent que KS avait eues pour ses albums solo chez Metronome, et par les avances que WEA paya à IC.

Pendant cette période, je n'avais pas beaucoup de liens avec IC. En vérité, je n'aimais pas du tout l'idée, parce que je connaissais Schulze. Ce n'est pas un homme de bureau, il n'a aucun sens de l'organisation. De plus, mon enthousiasme n'est pas aussi facile à déclencher que celui de Klaus. J'ai des yeux et des oreilles. Et puis : les musiciens qui répètent à plein volume ne sont pas vraiment à mon goût, en particulier Arthur Brown et le guitariste de Popol Vuh (Daniel Fichelscher) me portaient sur les nerfs. Ce dernier avait certainement des problèmes personnels, ou bien il était sourd ? Il jouait de sa guitare électrique au milieu de la nuit avec notre puissant système d'amplification de concert de plusieurs milliers de watts ! (À propos, il est le fils d'un de mes vieux amis, le légendaire – dans les années cinquante – chanteur de jazz et de blues berlinois Toby Fichelscher. Cela m'a probablement empêché de lui casser la gueule !).

En 1979, les quatre premiers albums d'IC étaient publiés et distribués par WEA. La dépense en énergie pour la préparation, la production, la promotion et la publicité était immense. Ces quatre albums étaient : Mickie D.'s Unicorn, Ma, Dolce Vita de Baffo Banfi, Harmonic Ascendant de Robert Schröder, et Time Actor de Richard Wahnfried. Je connaissais Mickie Duwe de l'époque ou nous étions avec Ash Ra Tempel en Suisse pour l'enregistrement de Seven Up. Une fois en 1978 il me fit écouter des démos qu'il avait enregistrées. Parce que j'avais aimé ce que j'avais entendu, je lui dis de la faire écouter à Klaus Schulze, ce qu'il fit. Malheureusement, Mickie fut arrêté en Grèce, peu de temps après la sortie de son premier LP solo. Il fut obligé de vivre les quatre années suivantes en prison dans la Grèce ensoleillée. Ce qui était dommage, parce que les responsables de WEA espéraient beaucoup de lui et étaient préparés et désireux de le soutenir, simplement parce que c'était Unicorn qu'ils préféraient. Musicalement, c'était ce qui se rapprochait le plus de ce qu'ils connaissaient et aimaient. Ils trouvèrent moins drôle l'opus de Klaus Schulze, Richard Wanfried Time Actor avec le chanteur Arthur Brown. Il est amusant de voir comment ces gens ne sont même pas capables d'apprendre de leurs erreurs antérieures. C'est toujours l'inconnu, la musique nouvelle, qui crée des remous et fait l'histoire, et pas l'éternel top 20 des chansons qui existent déjà. Ces gens des maisons de disques sont la plupart si étroits d'esprit : pas d'imagination, pas de courage, pas de vision. Juste des ventes et du business (On m'a proposé de les rejoindre. J'ai refusé. Je ne pouvais pas travailler comme ça).

Baffo Banfi est un claviériste italien que nous connûmes en 1974, quand Klaus et moi avons essayions de faire notre premier propre label « Berliner Weltklang ». Baffo était membre du groupe de rock italien « Biglietto per l'inferno » (billet pour l'enfer) que nous voulions produire (ça ne se fit jamais). En novembre 75, Baffo nous aida lors de notre tournée en Italie et en Suisse, bon vivant comme il l'était, oui : un guide humoristique. Nous l'adorions. Après deux albums pour IC, il s'évapora, comme s'il n'avait jamais existé. Nous n'entendîmes plus jamais parler de lui, nous ne savions même pas où envoyer l'argent qui lui revenait. (PS : En 1999 j'ai de nouveau entendu parler de lui, et depuis, je reçois ses vœux annuels pour Noël)

Nous connûmes Robert Schröder comme fan de Klaus Schulze, il rendait visite à son héros et lui apportait des petits cadeaux, par exemple des lumières clignotantes en forme d'étoile et scintillant en rythme. Lors de l'enregistrement d'une vidéo avec lui, je me rendis compte que ses éternels cheveux dans les yeux étaient affreux ; c'était bien mieux s'il peignait ses cheveux en arrière de manière à ce que l'on pût lui voir le front. Je n'ai aucune idée si depuis il le fait. Depuis ces temps anciens d'IC, il produisit plusieurs de ses disques sans grand succès. Pour une réédition, il remixa même les vieux albums que Schulze avait brillamment mixés.

À côté de nos propres productions IC, WEA sortit deux albums sur IC avec lesquels nous n'avions rien à voir, nous donnâmes seulement notre accord pour leur publication : un du britannique Francis Monkman, et un vieil album historique de Popol Vuh.

Pendant les longues répétitions pour Go dans les studios anglais d'Island, Klaus fit la connaissance de musiciens qui lui remémorèrent des souvenirs de son adolescence. Entre autres, ce fut Arthur Brown (Fire en 1968). Pour le premier enregistrement « Richard Wahnfried » de Klaus, il invita ce sacré chanteur. En outre, Arthur fit un album pour IC avec son vieux copain Vincent Crane connu par le groupe « Atomic Rooster ». Pour les deux mois de la tournée européenne de Klaus à l'automne 79, Klaus invita Arthur à se joindre à lui sur scène. Les réactions du public furent mitigées. Je n'avais rien contre sa connaissance et son amour pour la littérature anglaise ancienne, mais ce que je n'aimais pas, c'est qu'il était toujours en retard. C'est quelque chose que je déteste. Jusqu'à ce jour, il enseigne la littérature anglaise à Austin au Texas. Quelqu'un m'a dit (en avril 93) qu'un nouvel album de « Crazy World of Arthur Brown » sortirait… (Après beaucoup d'années de silence, il fit en 1995 une tournée solo en Angleterre, donc je suppose que le nouvel album est sorti). (PS : Le 15 novembre 96 je reçus une lettre amicale d'Arthur, comme quoi il aimerait à nouveau travailler avec Klaus. PPS : En 2007, ça ne s'était pas encore concrétisé, mais nous sommes encore en contact distant).

Le travail dans les studios vidéo d'IC était épuisant : nous faisions tout par nous-mêmes. Bien que nous demandassions à chaque musicien des idées utiles ou même un script pour leur clip, le seul qui nous donna les deux fut Klaus Krüger. Dans tous les autres cas, nous dûmes improviser. Nous n'avions pas d'images MTV en réserve dans nos têtes, simplement parce que cela n'existait pas encore à la télévision allemande. Nous improvisâmes également avec la technique. C'est pile le bon moment pour mentionner un autre « Klaus », notre technicien Claus Cordes. En tant que photographe professionnel, il étudia tout seul les techniques « vidéo », pendant la nuit. Pareil pour sa connaissance de notre studio audio ! L'autre Klaus, Schulze, était mis à contribution pour se montrer plus malin que la technologie si nécessaire. Avec la vidéo dans ces jours anciens, ce n'était pas possible. Ça marchait ou ça ne marchait pas. Il n'y avait rien entre les deux, il n'y avait rien d'« à peu près correct » – les appareils de mesure des chaînes de télévisions (et les nôtres) ne l'auraient pas accepté. Expliquer tout cela à Klaus Schulze et aux musiciens était bien souvent le travail de Claus Cordes. Il le fit avec une patience infinie. Et il était très sérieux, chose à laquelle je n'étais pas habitué avec mes musiciens.

Un autre visiteur du temps de Go était le batteur Michael Shrieve. L'estime entre Klaus et Michael était réciproque, tant sur le plan musical que privé. Chacun apprenait de l'autre. KS ayant commencé sa carrière en tant que batteur, il y avait une compréhension essentielle de laquelle bâtir un travail en commun. Michael avait un immense intérêt pour les instruments électroniques. En janvier 1979 il nous rendit visite, vécut avec nous et eut même une « relation » avec une jeune femme du village d'à côté. Il nous rendit à nouveau visite l'année suivante. Tout le monde l'appelait bien sûr « Mike », mais sur le papier c'est « Michael » – me dit-il sérieusement. Mais c'était trop tard. J'avais déjà et en toute innocence mis « Mike » Schrieve sur une pochette de disque – et depuis lors, tout le monde réimprime ce « Mike » erroné. J'ai appris la leçon, et n'ai jamais plus refait cette erreur.

Kevin, KS, Mike, Baffo

L'équipe était maintenant composée de Klaus Schulze, du businessman Michael Haentjes, du photographe concepteur et technicien Claus Cordes et de moi – mais je ne travaillais que pour KS, pas pour IC, ce qui de toute façon n'était parfois guère différent. Au printemps 1980, Michael Haentjes quitta brusquement IC pour un travail chez WEA afin de construire le nouveau département vidéo de Warner. Schulze me redemanda si je voulais prendre le poste de Haentjes. Sans grand plaisir, je devins le patron d'IC qui avait un déficit de 60 000 Deutsch Marks. Qui plus est, le jouet de Haentjes était un énorme ordinateur dépassé que nul hormis Haentjes ne pouvait manipuler. Personne n'avait besoin de cet énorme monstre de la taille d'une table, il fut loué (en crédit bail) pour les quelque dix années suivantes, et si nous l'avions jeté par la fenêtre, nous en aurions immédiatement trouvé un autre du même genre…

IC avait sous contrat un groupe de rock à l'ancienne (« Lorry ») dont les membres vivaient dans les villages alentour. Le chanteur était au départ un comptable, et c'est exactement le travail qu'il obtint de nous. Qu'advint-il du p…. d'ordinateur de Haentjes ? Deux ans plus tard, une âme charitable, le conseiller fiscal de KS, racheta le contrat de crédit bail ainsi que cet outil unique. Bigre !

Le départ de Haentjes (pour WEA, le pire de tous les choix !) força WEA à nous mettre sous pression. Soudainement on nous demanda de signer d'étranges papiers préparés par les avocats de WEA, ce qui nous eût mis en position de faiblesse. En quoi tout cela consistait, nous devions le comprendre sous peu. Les sommes d'argent que WEA aurait dû nous payer régulièrement (pour la production) n'arrivaient pas. Ce que WEA voulait fut rendu parfaitement clair lors d'une table ronde. Les ventes de disques d'IC étaient faibles. Bien que nous fussions tous d'accord (y compris WEA) sur le fait que le projet IC avait besoin de cinq années pour se consolider, cette intercompréhension initiale était soudain oubliée. C'était une période de récession générale sur le marché du disque, beaucoup eurent des ennuis (par exemple, un génie comme Van Morrison fut viré à la même période par sa maison de disque : WEA). Les patrons à New York, Burbank ou Hambourg avaient tranché : il fallait se débarrasser d'IC. En échange d'une partie de la somme que WEA aurait normalement dû nous payer, nous les libérâmes de leurs engagements. Un effet secondaire amusant : j'avais déjà nos bandes d'Ideal avec moi et je les proposai à WEA comme contrepartie de nos engagements envers eux. Même après notre départ, je laissai les bandes chez WEA. Nous avions toujours besoin de sortir et distribuer nos productions. Après tout, nous avions des contrats avec nos artistes à respecter. Quelque temps plus tard la lettre de refus de rigueur de WEA arriva. Je ris encore aujourd'hui de cette fâcheuse erreur de WEA. Ils auraient pu avoir Ideal pour rien ! Peu après, Ideal était l'un des plus grands succès dans l'histoire de la musique pop allemande progressive, oui : « innovante » ! (En deux ans nous vendîmes 700 000 copies de leur premier album). Une toute nouvelle vague était née, et Ideal était parmi ses meilleurs, si ce n'est son meilleur groupe. Celui chez WEA qui avait refusé Ideal fut viré peu après. Il créa son propre petit label avec au début des imitations d'Ideal, juste parce que c'était en vogue. Au début des années 90 il fit les gros titres parce qu'il avait essayé d'éditer 100 CD différents avec des enregistrements de concerts d'artistes de jazz qu'il avait eus pour une bouchée de pain auprès de la radio de l'ex Allemagne de l'Est, mais il avait « oublié » d'en parler aux artistes et « oublié » aussi de les payer. Il s'y cassa les dents, parce que certains artistes avaient compris ce qui s'était passé et le poursuivirent en justice.

Le patron de WEA et vice-président de Warner International de cette époque, n'est plus dans la société. Il essaye depuis quelques années de vendre sur son propre petit label de la musique qu'il aime vraiment, que ce soit du jazz ou des chutes d'enregistrements de l'« American Folk Blues Festival » des années soixante. Peut-être est-il heureux. (Post-scriptum : j'ai lu dans un journal musical allemand en septembre 93 que la première chose que fit cette personne après avoir quitté WEA, fut de créer un label pour des nouveaux artistes pop allemands, en partenariat avec ma découverte, la chanteuse d'Ideal. Ce label fut rapidement vidé par son distributeur – et partenaire financier – à cause des faibles ventes, et en dépit d'un précédent accord mutuel que le nouveau label aurait besoin de plusieurs années pour se consolider. Cet ex-patron de WEA n'aurait pas dû se sentir « blessé » comme il l'a déclaré de manière larmoyante au journal spécialisé. Avait-il oublié qu'il nous avait traité exactement (!) de la même manière, dix ans plus tôt, quand il était au pouvoir ?)

Aujourd'hui Haentjes est le fondateur et le propriétaire d'une énorme maison de disques : « edel », qui comporte sa propre maison de distribution et son usine de pressage. Edel commença avec de mauvais CD sampler, des T-shirts fantaisie, des tasses Batman, des livres médiocres de David Hasselhoff (y a-t-il quelque chose qui ne soit pas médiocre avec David Hasselhoff ?) et autres gadgets promotionnels que les gens achètent par brouettes entières. Le chiffre d'affaires d'Edel en 1995 : 200 millions de DM. Michael Haentjes doit bien être heureux lui aussi. J'ai appris, que dès le départ, il avait plein d'ordinateurs (!) Nous lui rendîmes visite en août 93 dans sa magnifique villa à Hambourg. Il semblait (et était) très fatigué.

Retour au fil de cette histoire. Klaus Schulze avait toujours son contrat de soliste chez Metronome, et il livra au début de l'année 1980 des enregistrements que nous avions faits au cours de concerts antérieurs. La qualité de ces enregistrements n'était par moments pas aussi bonne que la Musique Électronique l'exigeait à l'aube de l'ère numérique. Et alors ? L'album …Live… est une bonne rétrospective des centaines de concerts de Klaus Schulze. Trois de ces quatre enregistrements furent faits avec les microphones incorporés dans un enregistreur stéréo de cassette, que nous avions placé sur la scène entre les deux enceintes de contrôle (retour de scène). Pour obtenir une meilleure séparation stéréo, j'avais collé des bouts de papier sur un côté de chacun de ces médiocres petits microphones, de manière à ce que chacun pût mieux capter séparément l'enceinte qui lui faisait face.

Mon problème était maintenant IC, mon enfant illégitime. Je ne recevais ni cachet ni autre salaire pour mon travail pour IC, ou de la part de Klaus. Je suis juste l'éditeur des œuvres de Klaus depuis 1978, et je vis seulement de ce revenu de la GEMA. Mais bien sûr, j'aide aussi Klaus pour ses autres projets si je le peux. IC existait, construit par Klaus, les contrats devaient être respectés, il (nous) était obligé de continuer. Tout ce qu'il nous fallait était une distribution de disques opérationnelle.

Nous prîmes le plus petit distributeur du pays, Deutsche Austrophon, une société indolente, pas spécialement connue pour des tubes ou autre spécialité, hormis des polkas et leurs périodiques galettes vieillotes de Noël. La musique évoluée comme celle d'IC (du moins certaines d'entre elles) n'existait pas vraiment dans leur politique ou dans leurs esprits. Jusqu'à notre arrivée. Un des avantages avec « Deutsche Austrophon » était qu'ils n'étaient pas très loin de chez nous et qu'ils n'avaient de liens avec aucune des grandes maisons de disques internationales. Nous faisions toutes les exportations nous-mêmes parce que « D.A. » n'avait pas d'associés à l'étranger. Pareil pour la promotion et la publicité, nous la faisions – et la financions – nous-mêmes.

Maintenant nous pouvions commencer à achever les productions, à préparer les pochettes et la promotion, à élaborer des plans et à les mettre en œuvre. C'était un drôle de travail ! Bien sûr « Deutsche Austrophon » ne payait que pour les disques vendus, elle ne payait aucune avance et pas un sou pour une production ou la publicité, comme WEA le faisait auparavant. Mais notre liberté de faire ce que nous voulions méritait ces risques – voire ces pertes – financiers. Nous avions de nouvelles idées folles et nous pouvions les réaliser ! Sans être embêtés par la bureaucratie de WEA.

Une de ces idées était de graver nos disques à la vitesse de 45 tours au lieu des habituels 33 tours par minute. Les experts nous expliquèrent que nous gagnerions ainsi en qualité de son, et que la perte en temps d'écoute des disques serait réduite. KS et moi, nous adorons ces choses un peu folles que personne d'autre n'imaginait, ou osait faire. Nous le fîmes donc. Qu'importe l'amélioration du son du LP, cela fit beaucoup de promotion pour les albums d'IC. Tous les journaux en parlèrent, et tous les programmateurs des radios allemandes devaient parler un peu des disques d'IC, après avoir dû arrêter leurs platines qui tournaient avec l'habituelle mais mauvaise vitesse, et de relancer en 45 tours. Ces gens de radio devaient jouer au moins un album de notre première série de sorties : Ideal. (Dans une émission régulière de la télévision allemande sur les sorties de films, le fameux morceau Berlin d'Ideal fut joué en entier, avec la mauvaise vitesse de 33 tours ! Personne ne s'en était donc aperçu pendant le tournage !? Il y a beaucoup d'idiots partout. Point).

Ideal était dans notre première série de quatre sorties vraiment indépendantes d'IC. J'avais découvert le groupe à Berlin. J'avais écouté chez Manuel Göttsching une bande démo d'un groupe de rock qui avait joué quelques semaines plus tôt pour un concert de bienfaisance pour « notre » Mickie Duwe emprisonné. Ce qui me dérouta et m'inspira fut la voix de la chanteuse. Parce que ce n'est qu'après un certain temps que je remarquai qu'elle chantait en allemand, chose impossible dans la pop ou le rock d'alors. Musique rock + textes allemands = Kraut. De l'horrible Krautrock. Mais pas ici avec ce groupe du nom de X-Pectors. La chanteuse, une certaine Annette Humpe, écrivait de superbes paroles en allemand, qui étaient en plus très réalistes et amusantes, ou en bref : excellentes. La musique était un rock rapide à la mode New Wave de l'époque. Pas mal non plus.

Quelque temps plus tard, toujours chez mes amis Manuel & Rosi, je rencontrai le leader de ce groupe, un certain F.J. Krüger. Apparemment, nous nous connaissions d'une époque ou nous étions plus fauchés. Nous étions et sommes encore tous deux des mordus de jazz, et il y a des années de cela, pendant notre période hippie chevelue, je lui vendis mon Ford Transit, qu'il « oublia » de faire immatriculer ce qui me causa des problèmes… Pendant ce temps, il devint l'un des meilleurs guitaristes de jazz & rock allemand, et il avait un sens de l'humour très particulier, avec une façon très personnelle de s'exprimer. Il avait du style, et pas seulement en musique. C'est un expert en vieilles voitures, en vieux meubles, en vieux vêtements, et bien plus encore. En dehors de la musique, il possède, collectionne et fait du commerce de toutes ces choses.

F.J. Krüger et kdm

Je passai un accord avec Frank (F.J.) et il remania le groupe, vira le sax, chercha un bassiste et un batteur plus nerveux, et m'offrit alors Ideal, avec plein de chansons d'Annette, la chanteuse du groupe et des musiques de lui ou de l'ensemble du quartette. KS ne pouvait pas comprendre mon enthousiasme, mais donna généreusement son accord, et la moitié de l'avance pour le groupe. Je les produisis dans notre studio d'IC. Du jour au lendemain chez IC, nous nous mîmes tous à parler ce langage amusant de F.J., aussi longtemps que lui et Ideal restèrent avec nous, et même encore quelques mois après. Pendant le temps de la production et avant la sortie du LP, le phénomène Ideal avait déjà commencé. Beaucoup de concerts d'Ideal étaient complets, des couvertures de magasines, et même des passages à la télévision (ce qui était alors rare à la télévision allemande pour des groupes de rock inconnus), une immense performance avec un succès énorme pour la « première partie » devant 100 000 personnes à Berlin, où Ideal eut plus de succès que la tête d'affiche classique, un certain groupe du nom de « Barclay James Harvest ». Le journal télévisé du soir parla de l'événement de la journée et ne montra qu'Ideal (Je savais cela avant car Ideal avait joué alors qu'il y avait encore assez de lumière du jour pour filmer l'événement ! …et bien sûr il y avait le problème du temps : la tête d'affiche jouait juste trop tard pour le journal du soir !). Quand le LP sortit, simplement appelé Ideal, le groupe était déjà une formation opérationnelle à succès. Qu'ils fussent chauds, chacun avec ses yeux et ses oreilles pouvait le voir et l'entendre. Sauf notre distributeur. Leur plan pour le premier pressage était : 300 (oui trois cents) copies. Je leur dis que 300 c'était ce qu'il me fallait seulement pour ma promotion, pour distribuer à tous les journalistes musicaux allemands… et je leur expliquai les activités en plein essor d'Ideal, et mes propres plans visionnaires. Ils n'avaient toujours pas compris et fabriquèrent 1000 copies (!) Au cours des semaines et mois qui suivirent, ils pressèrent uniquement le nombre de copies pour lequel ils avaient des commandes – pas une de plus ; alors qu'un être humain & un businessman normal dirait : d'accord, faisons des milliers de copies pour les commandes à venir, de manière à pouvoir les livrer plus rapidement… Mais pas la « Deutsche Austrophon » pépère. En fait nous vendîmes la première année 250 000 copies. Après 16 mois nous avions un disque de platine pour 500 000 LP vendus en Allemagne. Depuis, c'est aux alentours de 800 000 copies…

Enfin bon. Cette production d'Ideal sauva IC d'une banqueroute assurée. Tous les autres artistes d'IC en eurent aussi des retombées positives. Nous pouvions disposer chaque mois d'à peu près 20 ou 30 000 DM pour la promotion. Nous avions (par conséquent) bien plus de couverture de presse. Il y avait ce héros du synthétiseur, il y avait ce tourbillonnant label indépendant avec ses idées tordues (par exemple : 45T), et il y avait ce succès fou avec Ideal. Qu'importent tous les articles et notre publicité sur et pour tous nos artistes : Klaus Krüger, Clara Mondshine, Robert Schröder, Din A Testbild, Baffo Banfi, Dieter Schütz… tous ceux-là se vendirent mal. Très mal.

La sortie d'Ideal et des trois autres premiers disques indépendants d'IC eut lieu le 31 octobre 1980 pendant une énorme fête d'IC dans nos studios. C'était un moment où les « fêtes de sortie de disque » ne se faisaient pas encore (!). Tous les ténors de la presse musicale allemande étaient présents, des amis de Berlin et des gens des deux maisons de disques, « Deutsche Austrophon » ainsi que « Metronome », qui était toujours la maison de disques de Schulze. Metronome avait été invité parce que le même jour le nouvel album de KS était présenté : Dig It, le premier album de Klaus produit en numérique. Ce fut précisément pendant notre fête que la télévision allemande présenta dans son fameux « Beatclub » deux (!) de nos (!!) vidéos d'Ideal (!!!). Bien sûr nous montrâmes ce programme en direct sur un écran géant spécial pendant la fête. Plus tard dans la soirée tout le monde était ivre. Les deux seuls à suivre mon planning détaillé furent, qui d'autre ? : Claus Cordes et moi-même. Au fait : produire sa propre vidéo pour un groupe allemand (qui perce) n'était pas normal non plus en 1980. Même les très gros labels ne le faisaient pas à l'époque, en Allemagne. Ici aussi, nous étions les premiers.

Huit semaines auparavant, KS avait donné un concert « sérieux » sans mon aide dans un festival d'art à Linz, en Autriche. Un événement pompeux. Laissons-le sombrer dans l'oubli… Puis, Klaus fit une apparition à la télévision en Espagne, et un concert à Bruxelles avec Manuel Göttsching à la guitare en tant qu'invité. C'était la première année sans une vraie tournée à cause de notre énorme travail à tous deux pour IC.

Le contrat à long terme avec Metronome s'était terminé officiellement en avril 1981, et je voulais Klaus chez IC. Enfin et surtout, IC avait été créé par lui comme un label pour la musique électronique, et c'est à ce titre qu'IC avait besoin du soutien de la force motrice de ce genre. Cela faisait bizarre que le propriétaire du label sortît ses propres disques ailleurs. Le premier disque de Klaus pour IC fut Trancefer. Bien sûr, Metronome fit son possible (et offrit beaucoup) pour refaire signer Klaus avec eux, mais nous refusâmes. Donc, au moment où nous sortîmes Trancefer, Metronome livra un sampler de Klaus Schulze à ses distributeurs, avec une couverture qui copiait à 100% nos propres couvertures spécifiques d'IC (!) Sans commentaire. Nous changeâmes la couverture prévue : Trancefer eut un fond noir (au lieu de blanc).

En 1980 également, Klaus fit un autre album « Richard Wahnfried » pour IC : Tonwelle. Cette fois-ci avec l'aide de Manuel Göttsching, son vieux camarade de l'époque d'Ash Ra Tempel, et avec un autre « guitar hero » de renommée internationale.

Manuel fut aussi invité à se joindre à Klaus pendant notre tournée de l'automne 81 à travers l'Allemagne, la Suisse, la France et le Benelux. Ce dont je me souviens de cette tournée exquise hormis cela, c'est que chaque matin (ou mieux, vers midi) à l'hôtel, Manuel avait une heure de retard, et Klaus deux (ou vice versa), ce qui exaspérait non seulement moi, mais également plusieurs journalistes qui attendaient.

Klaus agaça quelques personnes au fil du temps, parce qu'il est généreux, de bonne composition, de ceux qui ne savent pas dire « non », et qui a sa propre morale : celle d'un artiste. Depuis que le business est plein de petites gens qui ont besoin de plus grand qu'eux sur qui s'appuyer, Schulze est un parfait pilier pour eux. Klaus est également amical avec eux, et il propose parfois innocemment ou gentiment une aide qu'il n'est pas obligé ou même capable de donner. Ces gens se retrouvent le bec dans l'eau quand Klaus s'en va ailleurs, et ils sont alors bien sûr furieux après lui. Ils attendaient beaucoup de Klaus, mais il était juste amical. Ceci arrive régulièrement, si ces gens pensent être assez malins en contactant directement KS, sans passer par le nécessaire point de contrôle « Klaus Dieter Mueller ». Soyez avertis. Si vous êtes réglo, si vous avez de vraiment bonnes idées, si vous êtes honnête, vous réussirez ; peu importe que vous contactiez KS, ou moi, ou tout autre, ou nul autre.

Retour à l'histoire. En 1981, IC produisit 12 nouveaux LP, dont neuf « électroniques », qui furent le même four que les deux albums de rock. Celui qui reste est Trancefer par Klaus.

Pour des raisons personnelles je quittai IC fin 1981 pour retourner à Berlin, ma ville natale. Au moins, je les laissai sans leur débit de 60 000 DM, et même plutôt l'opposé. Mon produit Ideal avait fait d'IC une maisons de disques prospère.

Au cours de l'année 1982, aucun nouvel album de Schulze ne fut fait ni sorti. La raison en était que Klaus essayait de diriger IC lui-même, et comme je le sais de par ma propre expérience, c'est un travail épuisant 24h sur 24, et ce n'est pas exagéré. La nuit je préparais tout mon nécessaire pour la routine quotidienne, et les week-ends j'écrivais et j'envoyais ou faxais toute la promotion. La plupart de nos artistes ne faisaient pas grand-chose pour accéder à la renommée ; ils attendaient que la maison de disques les rendît célèbres. Bien sûr cela ne pouvait pas marcher, et ne marcha pas.

En 1982 sortit le premier album de Rainer Bloss chez IC. Contrairement à Klaus, Rainer est un musicien de formation. Il a reçu une formation classique, il connaît les formes classiques, les variations, les harmonies et tout le reste. Un homme très normal. Klaus au contraire est un artiste autodidacte et original qui se base sur les sentiments, l'instinct, le courage et un grain de folie ; son école fut le rock'n'roll et ses leçons étaient données par la méthode essai-erreur. Mais Klaus apprit aussi un petit nombre de choses par Rainer. La tête et l'âme s'accordaient parfaitement, quand les deux jouaient ensemble, de 1983 à 1987. Le noyau dur des fans veut son idole musicale seule, mais si Klaus aime jouer avec des partenaires, pourquoi pas ? Par moments cela semblait marcher.

Le nombre de concerts de KS était limité : un concert en plein air à Gand en Belgique pour la télé, un énorme concert à Budapest en Hongrie et un concert au « Venue » de Londres. Ces trois concerts furent faits avec Rainer Bloss comme deuxième clavier sur scène.

Le concert à Budapest était programmé comme un parmi une série de concerts dans toute l'Europe de l'Ouest mais aussi l'Europe de l'Est, faisant partie d'un festival nommé « Chip Festival » avec en plus de Klaus Schulze : Tangerine Dream, Rick Wakemann et Thomas Dolby avec Classix Nouveaux. Pourquoi seul ce concert avec KS eut lieu, je ne sais.

Pendant cette période, Thomas Dolby rendit visite à KS dans son studio, et je crois que Klaus ne connaissait même pas le nom de cet homme. Ce qu'il voulait n'était pas clair à l'époque, pas plus qu'aujourd'hui. Un autre visiteur fut Steve Jolliffe. Il plaisait beaucoup à Klaus, qui voulut produire un album avec lui. Je pensais que sa musique faisait trop hippie pour 1981, aussi nous laissâmes tomber cette idée d'album de flûte. Plus tard Steve continua de faire et de sortir une musique similaire sur d'autres labels, ce qui semblait correspondre parfaitement au goût « new age » américain.

Klaus réalisa ensuite que le travail pour IC n'était pas exactement sa tasse de thé, après tout la tâche était vraiment trop lourde, aussi il engagea une certaine « Katia » pour une courte durée – un désastre. Son remplaçant fut un certain Mark Sakautzky, que Klaus avait rencontré en Australie, où Monsieur Sak essaya d'établir (sans succès mais avec beaucoup d'argent de Klaus) IC Australie. Klaus a un grand cœur… mais est parfois naïf…

Au moment où sortit le double album Audentity, il repartit en tournée. De début février à fin avril, puis à nouveau pour dix jours en juillet 1983, Klaus fut en tournée dans toute l'Europe de l'Ouest ainsi qu'en Pologne. En particulier, les 9 concerts en Pologne touchèrent profondément Klaus. Alors que Klaus avait promis sur …Live… que ce serait le seul album « live » qu'il ferait jamais, il en fit un autre, un deuxième double album « live », à partir des enregistrements numériques des concerts de cette époustouflante tournée en Pologne. Il lui fallait le faire car l'accueil des Polonais avait vraiment été grandiose en quantité et en qualité. L'inconvénient des albums « live », à savoir le son pas toujours très propre, disparaissait, parce que la musique était enregistrée en numérique directement depuis le mixer de Klaus. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas de bruit provenant du public sur le disque, sauf sur le curieux petit morceau Dziękuję (ce qui veut dire : « Merci »). Ensuite, Klaus fit d'autres albums live propres, avec la même technique numérique directe.

Pendant ces mois ou Klaus était sur les routes avec Rainer, sa maison de disques IC – sous la direction de M. Sak – produisait disque sur disque, qui furent ensuite présentés comme : les représentants de la musique rock australienne, le maxi single avec le super son numérique, super hit potentiel, pourrait être un super tube en discothèque, le meilleur morceau à passer à la radio ou à la télé, et le même médiocre battage médiatique, que Klaus et moi, n'avions et n'utiliserons jamais. À côté de ces absurdes vantardises pour des produits de variété médiocres, qui engloutissaient d'énormes sommes d'argent, et qui étaient produits en l'absence de KS, il se passait d'autres choses choquantes et inqualifiables chez IC. Quand Klaus revint après cette longue tournée, il fut obligé de repenser tout cela et aussi de penser à Mark Sakautzky, qui avait même eu le culot de demander à Klaus un autre quart de million de DM, parce que lui – Sak – avait dépensé tout l'argent d'IC.

L'intention initiale de Klaus, en créant IC, était un label pour la musique qu'il faisait, qu'il aimait, et qu'il avait presque inventée tout seul : la Musique Électronique ; un genre de musique qui autrement n'aurait eu aucune chance de rencontrer son public, et l'ensemble devait être « small but beautiful » (petit mais beau) (j'avais emprunté cette phrase pour l'une de nos premières publicités pour IC dans le célèbre livre de E.F. Schumacher Small is Beautiful).

À l'été 1983, Schulze prit une sage décision : il donna toute la société. Ses disques solo chez IC furent donnés à Metronome. Désormais, il ne devait plus rien à voir avec la politique de cette société, que le magasine américain e/i décrivit ainsi, de nombreuses années plus tard : … c'est devenu de la merde.



[Part 3]
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